“On est les dominants sur la planète et à ce titre on a un devoir de protection à l’égard du plus faible.” Allain Bougrain-Dubourg

Le 29 mai 2024 a eu lieu à la Maison de l’Océan, la journée de la Fondation de la recherche pour la Biodiversité (FRB), dédiée à  l’océan du futur.

L’Océan, 70% de la surface de la planète, le plus grand réservoir de vie a absorbé depuis les débuts de l’ère industrielle, près de 30% de nos gaz à effet de serre et plus de 90% de la chaleur induite. Modification physico-chimiques, pollutions, surexploitation, il souffre en silence loin de nos regards, alors qu’il nous est utile au quotidien. Des milliards de personnes à travers le monde dépendent de la biodiversité marine et côtière pour subvenir à leurs besoins (ressources alimentaires, énergies, santé, culture, etc.). Pourtant, la plupart des activités humaines ont un impact majeur sur l’océan.

Loin des yeux, loin du coeur

En ouverture du colloque, Denis Couvert, président de la FRB et François Houllier, PDG de l’Ifremer ont insisté sur la notion d’invisibilité. Invisibilité de l’océan, rarement proche et tellement grand et profond, invisibilité de la biodiversité dont nous avons tendance à être déconnectés par nos modes de vie occidentaux et invisibilité des dommages causés à l’Océan.

Un nouvel outil pour élaborer des scénarios souhaitables et son application pour l’océan

Puis Ghassen Halouani, cadre de recherche à l’Ifremer a présenté l’outil NFF, abréviation de l’anglais “Nature Futures Framework et signifiant “Cadre pour l’avenir de la Nature”. Cet outil permet de représenter la pluralité entre l’humain et la nature. Le concept se concentre sur trois grandes perspectives en termes de valeurs et de conceptions du monde : le futur pour la nature, le futur pour la société, le futur pour la culture. La NFF permet de trouver un gradient ou continuum entre ces 3 perspectives. Au-delà des romans d’anticipation, voire des dystopies, au-delà des regards d’artistes, nous avons besoin de scénarios qui fournissent des options multiculturelles et engagent à l’action.  

  • La nature pour la nature : Les usagers de l’océan considèrent la valeur intrinsèque des écosystèmes, leur intégrité, la diversité des espèces, des habitats et des processus associés. La nature fonctionne de manière autonome et n’a pas besoin de l’homme. 
  • La perspective nature en tant que culture : elle insiste sur les valeurs relationnelles de la nature, imbriquant sociétés, cultures, traditions et croyances et façonnant divers paysages bioculturels. L’homme essaie de vivre en harmonie avec la nature.
  • Avec la nature pour la société : L’accent est mis sur la modernité littorale, insulaire, technologique, les avantages utilitaires et les valeurs instrumentales que la nature et ses ressources fournissent aux acteurs économiques et aux sociétés. La nature offre des services à l’homme qui l’exploite pour son propre bénéfice.

Dans la première table ronde, Bernadette Bensaude-Vincent, professeure émérite de philosophie des sciences et des techniques à l’université de Paris 1-Panthéon-Sorbonne et  Tom B Letessier, chercheur au Cesab et à l’Institut de Zoologie de la Société zoologique de Londres se sont interrogés sur ce qu’on sait et ne sait pas sur l’océan et comment finalement le protéger face à l’afflux de connaissance ? 

D’un point de vue philosophique, la connaissance  libère, émancipe, conditionne l’autonomie. Mais doit-on connaître à tout prix ? Ce questionnement largement débattu dans le domaine médical s’applique aujourd’hui aux grands fonds marins. La recherche française s’interroge régulièrement  avant de lancer un programme de recherche sur l’impact de ses travaux en évaluant les risques et les bénéfices (coûts financiers et énergétiques).

  • Les grands fonds marins regorgent de ressources minérales attisant les convoitises des industriels. Le  développement de nouvelles technologies et nos modes de consommation épuise les stocks  terrestres. La gouvernance actuelle des fonds marins (AIFM) autorise jusqu’à présent l’exploration afin d’identifier les quantités et potentialités d’exploitation. Mais comment amener à une gouvernance qui protège et permet de sauvegarder les intérêts de chacun. Bernadette Bensaude-Vincent a insisté sur le fait qu’il faille distinguer la valeur de la connaissance et les conséquences de son acquisition. Ce qui devient aussi un sujet dans le cadre des partenariats publics/privés. Donner les moyens d’aller connaître engendre le risque de passer de l’exploration vers l’exploitation, ce qui provoque un risque de perturbation irréversible du milieu pour la biodiversité et le climat. L’acquisition de connaissance et les alertes de la fragilité du vivant ne conduisent pas toujours à des mesures politiques adéquates et alors la connaissance n’est pas alors une raison d’émancipation. 

Comment imaginer les futures possibles de l’océan ?

Autour de regards croisés de anthropologues, philosophes, juristes, océanographes et ingénieurs se sont interrogés sur la pertinence d’un statut juridique pour l’océan, comment définir les impacts des services culturels et finalement comment pouvons-nous rêver ensemble le futur de l’Océan ? 

Et même si le concept de One health n’a pas été évoqué, les intervenants nous ont maintes fois rappelé que nous devons donner des messages compréhensibles par tous et en lien avec la santé, notre santé et celle de la planète. 

Retrouvez le programme de la journée : [Journée FRB 2024] L’océan du futur : Des impacts aux réponses pour un océan sain  – Fondation pour la recherche sur la biodiversité (fondationbiodiversite.fr)

Lien vers retranscription : bientôt disponible